À la fois issu d’une famille d’origine juive, élevé dans le catholicisme, français, québécois, auteur, professeur et bien plus, M. Motulsky écrit aujourd’hui:
« Je me sens à l’aise dans mes identités multiples ».
Cet extrait, tiré de son récent livre « Tu comprendras un jour : Une famille dans la tourmente de l’histoire » témoigne de la pluralité des identités et de la plasticité de l’être. M. Motulsky y décrit son cheminement personnel alors qu’il entreprend de retracer ses origines juives.
À travers ce récit, l'auteur nous emmène dans un voyage introspectif, naviguant sur les eaux souvent tumultueuses de l'identité, changeante et fragile. De la France à l’Algérie, son périple le confronte aux horreurs de la Shoah, marquant profondément sa réflexion sur l’héritage et la mémoire.
Comprendre le phénomène identitaire est crucial pour assurer la protection des droits humains. En effet, les différentes facettes de l’identité d’une personne peuvent, à tout moment, être visées simultanément par des discriminations multiples. Par exemple, l'antisémitisme, dont la résurgence récente inquiète, peut se conjuguer avec des formes de sexisme ou de racisme.
Or, personne ne devrait être contraint de taire une partie de son identité. Un manque de sensibilité quant à la complexité de l’identité humaine augmente les risques que des violences se (re)produisent. C’est dans ce cadre que, le 25 septembre dernier, le Dr Bernard Motulsky et Agnès Gruda sont venus partager leurs expériences lors d’une conférence avec les membres de l'Observatoire des droits humains à l’ONU, une initiative de Dr Pascale Fournier et de la Section de droit civil de l’Université d’Ottawa.
« L’histoire d’une famille s’inscrit forcément dans celle du monde. » [1]
Dans ses moments les plus sombres, l’Histoire a contraint de nombreuses familles à migrer, créant tout autant de migrations identitaires. Lors de la Deuxième Guerre Mondiale, Motulsky père est passé de Heinz, patriote allemand, à Henri, fidèle français. Les Motulsky sont devenus des Monroe aux États-Unis. La douleur des atrocités du 20e siècle aura fragmenté et mis sous silence le vécu de la famille, particulièrement chez Henri Motulsky.
Plus tard, Bernard Motulsky reproduira les migrations de ses ancêtres et quittera une France post-mai 68 pour s’établir au Québec. Il développera rapidement cette nouvelle identité québécoise, mais il demeurera longtemps sans réponses concernant ses origines et le passé douloureux de son père et des autres membres de sa famille. Reconstituer l’histoire du nom « Motulsky », c’est remonter le fil de l’histoire européenne du 20e siècle et donner un sens aux silences.
La journaliste Agnès Gruda souligne que, à la lecture du livre, il n’existe pas de moment d’épiphanie apparent dans le parcours identitaire de M. Motulsky. Étant québécoise d’origine polonaise juive, elle partage d’ailleurs cette expérience d’une identité fluide et en constant développement. Mme Gruda refuse d’ailleurs de croire que l’ethnie ou la religion doivent nécessairement être au centre de l’identité humaine. Il existerait plutôt une irréductibilité profonde dans chacune des couches de notre être. Si l’ethnie et la religion sont souvent des motifs de discrimination envers l’Autre, l’identité va bien au-delà de ces étiquettes. Pour protéger les droits fondamentaux, il est crucial d’aller au-delà de ces catégories et de saisir l’intersection des multiples couches qui composent l’identité.
La protection des droits humains requiert des échanges enrichissants, tels que ceux qui ont eu lieu entre M. Motulsky et Mme Gruda, car ces dialogues permettent d’approfondir notre compréhension des enjeux identitaires et de leur rôle dans la compréhension de l’Autre et de la protection des droit humains. Ce dialogue doit s’étendre aux gouvernements, aux organisations internationales et aux citoyens afin de promouvoir des sociétés inclusives, respectueuses des identités plurielles et capables de garantir les droits humains pour tous en travaillant dans une approche intersectionnelle.
Dans un contexte où les discours de rejet et de division semblent parfois dominer, c’est en restant ouvert à l’identité dans toutes ses couches infinies que nous nous assurons d’en faire un réel moteur d’inclusion et de compréhension de l’autre.
[1] Bernard Motulsky, Tu comprendras un jour : Une famille dans la tourmente de l’histoire (2023) p. 9.
コメント